Cette performance danse/théâtre réunit sur le plateau Magali Gaudou, Nando Messias et Bino Sauitzvy. Son titre emprunte les initiales des patronymes des chorégraphes fondateurs du butô Kazuo Ôno et Tatsumi Hijikata. C’est une interjection entre admiration, surprise, douleur et plaisir. OH ! commence avec la photo d’une performance en duo d’Ôno et Hijikata, un moment figé, dans lequel le premier est habillé en femme et le deuxième en homme. Nous n’avons pas vu cette performance, mais c’est précisément ce cliché lui-même qui nous importe et qui nourrit notre démarche et nos univers d’inspiration respectifs.
La rencontre, la collaboration, le travestissement, l’univers queer, l’amour, la violence, le post-porn, la solitude, la culture pop, la danse, le théâtre, la performance, l’emprunt, l’anthropophagie, l’héritage, l’hommage, la réalité, la fiction, tout cela compose l’univers de notre démarche et de nos ressources artistiques. Aussi, à partir de cette photo mythique de Ôno et Hijikata, OH ! est constitué de bribes, de fragments, dans des tentatives de restituer une histoire, de relater un événement. Entre documentaire et fait divers, entre réalité et fiction, on y raconte la rencontre entre deux hommes, initialement l’un travesti, l’autre non, afin de questionner la notion de genre comme construction d'une fiction et ce qui fait qu’une société, malgré son évolution, continue de répandre sa violence contre la différence et les minorités.
OH ! cherche la liberté de naviguer entre les disciplines pour, comme Beckett, « essayer, essayer encore, rater, mieux rater ». Le refus des genres normés et des limites des transformations et évolutions entre le visible et l'invisible est à l’origine même du butô, également défini comme « évasion ». C’est ce refus qui nous intéresse, qui résonne avec notre pratique inspirée de la contre-culture. Nous concevons notre pratique comme une étrange philosophie, basée sur le « Movimento Antropofagico » brésilien : utiliser les formes artistiques et les normes sociales dans lesquelles nous sommes piégés, choisissant celles qui nous conviennent le mieux, pour bien – ou mal – les retravailler.
Nous ne désirons pas reproduire ou imiter des formes de la danse, du théâtre ou du butô. Nous cherchons une nouvelle expérience de la scène, unique à notre rencontre et collaboration, résultante de notre approche particulière et contaminée par ces références. Car il ne s’agit pas de faire du butô, de la danse ou du théâtre comme disciplines ou formes closes, mais d’y puiser pour composer une forme hybride qui nous correspond. Néanmoins, nous sommes provoqués par la pensée de Ôno qui suggérait que la forme naît d’elle-même, dans la mesure où il existe un contenu spirituel pour commencer. Notre forme spirituelle est née de notre position « en marge de », autant dans la vie que dans les arts. Elle a également éclos des deux principes fondamentaux de notre protocole de travail, la rencontre et la collaboration, d’où naît un corps queer, qui est le nôtre et, comme dans le butô, qui est un corps déplacé.
Notre travail est de créer ce que nous appelons notre mémoire imaginée. C’est la mémoire de faits qui nous ont troublés, d’événement clés, d’histoires appartenant à d’autres et qui, par empathie, nous touchent, de moments, de fragments venus d’ailleurs, qu’ils soient issus de la fiction ou de la réalité - car toute réalité "est" une fiction. C’est ce mouvement entre deux clichés qui constitue ce que nous avons appelé nos souvenirs imaginaires : une histoire qui est la nôtre et celle des autres, une violence que nous avons subie et qui est subie par d’autres, une quête d’amour qui est la nôtre mais aussi celle des autres...
L’utilisation de la mémoire personnelle comme matériau, la formalisation du geste quotidien en chorégraphie, et une scénographie construite par le corps des performers et avec des objets de récupération, tels des ready-made sont des éléments clés de cette performance.
Création, Chorégraphie, mise en scène: Biño Sauitzvy et Nando Messias.
Interprétation: Biño Sauitzvy, Nando Messias et Magali Gaudou.
Musique: Bianca Casady.
Costume: Gaspard Yurkievich.
Décor: Biño Sauitzvy et Nando Messias.
Lumière: Margot Olliveaux.
Collaboration artistique décor et accessoires: Lika Guillemot.
Accompagnement production et Relations Internationales: Ingrid Janssen.
Graphisme: Lucile Adam.
Production: Le Générateur et Le Collectif des Yeux.
Performance créée en résidence au Générateur/Gentilly.
Soutien: ARCADI, CND/Pantin (prêt studio), Université Paris 8-Saint-Denis.
Durée: 60 minutes.
OH ! a été présentée au Générateur, Gentilly dans le cadre du Festival Faits d’Hiver en janvier 2015.
Crédit photo: Bernard Bousquet.
Texte: Biño Sauitzvy (Robinson Sawitzki)
https://www.theses.fr/2016PA080114