Sissy ! fait partie de la recherche du doctorat pratique/théorique de Nando Messias à Londres à la Central School of Speech and Drama, University of London. Dans sa recherche, il développe à travers la théorie queer des concepts sur la formation corporelle des genres, la violence physique et l’abus verbal, ainsi que sur l’occupation de l’espace urbain. Sissy ! cherche à mettre en pratique ces idées, dans l’espace du plateau, sur la scène.
Le point central de la performance est celui de la « sissygraphie » du corps, concept créé par Nando dans sa thèse. Sissy ! décrit alors le processus d’écriture physique du concept « sissy » (pédé en français) sur le corps du performer.
Le choix du titre de la performance, « Sissy ! », est en revanche et en soi-même une tentative d’engagement avec le processus critique nommé par Foucault « discours inversé » : comme dans la théorie queer, ce qui est à l’origine une insulte et une exclusion sera « inversé », fait sien, assumé et transformé par l’« insulté », l’« exclu », dans la création d’un corps esthétique autre ; le discours qui se voulait rabaissement est retourné en discours de force et de revendication de la différence. C’est le principe même des arts martiaux : utiliser la force de l’autre contre lui-même.
Le processus dramaturgique de Sissy ! est développé à partir d’une série de stratégies scéniques. L’une d’entre elles consiste à établir une comparaison, un parallèle entre les corps des deux performers sur scène. Ce parallèle met en évidence ce que l’on peut appeler une « démonstration hyperbolique du genre ». A l’aide de son costume, Biño Sauitzvy représente le côté masculin : le boxeur. Son corps est athlétique, fort, musclé. C’est lui qui porte le corps de l’autre dans l’espace de la scène. L’acte de porter le corps de l’autre apparaît sous deux modes : l’un poétique, l’autre, violent ou tragique. Dès le début de la performance, le contraste est établi entre la figure du boxeur et le corps mince et fragile de Nando Messias, qui porte des éléments perçus comme appartenant aux femmes. Ces costumes sont ici également utilisés d’une façon hyperbolique, car la version présentée par Nando sur le plateau n’est pas simplement féminine, elle est « ultra-féminine ».
La couleur rose est aussi symbolique dans le discours de la performance. Judith Butler dit qu’une partie de la formation sociale, ainsi que de la transformation d’une fille en fille, se fait par l’utilisation de la couleur rose, communément destinée au sexe biologique féminin alors que celui masculin est voué à la couleur bleue. Les couleurs participent ainsi à la séparation et à la détermination sociales binaires des sexes et des genres. Sissy ! souligne l’utilisation hyperbolique de la couleur rose sur un corps biologique masculin et rend visible la complexité du processus de construction et des pratiques des genres. La performance démontre ainsi comment le processus d’inscription du genre dans le corps est à la fois social et involontaire, et peut être marqué par la douleur ou par le plaisir. Sissy ! cherche à rendre visibles les plaisirs et les douleurs de « faire mauvais genre ».
Sissy! est une écriture scénique, entre la danse et le théâtre,
de concepts basés sur la théorie Queer, sur la construction corporelle des genres, l'abus verbal et la violence physique.
Concept: Nando Messias.
Mise en scène et performance: Nando Messias et Biño Sauitzvy.
Lumière: Luigi d'Aria et Claudia de Bem.
Durée: 60’
Création 2009/10.
Production: Le Collectif des Yeux, Central School of Speech and Drama, University of London, avec le soutien du CND/Pantin, Festival Internacional de Teatro e Dança Poa em Cena / Porto Alegre - Brésil, Théâtre La Loge/Paris et Théâtre de la Girandole/Montreuil.
Crédit photos: Darrell Berry, Julio Appel et Mariano Czarnobai.
Texte: Biño Sauitzvy (Robinson Sawitzki)
https://www.theses.fr/2016PA080114