Le travail autour de la vidéo comme médium m’a amené à vouloir développer davantage le langage de la vidéo-danse. Ainsi, T1(A+B), originalement créée pour la vidéo, est une pièce chorégraphique inspirée des formules mathématiques de Beckett, qui décrit une trajectoire (plutôt une tentative de faire cette traversée) échouée, ratée. Deux femmes, A et B, issues de l’imaginaire beckettien, essayent de réaliser une action : traverser une ligne droite, aller d’un point à un autre. Mais vivre est dangereux, et même la tâche la plus simple devient impossible à réaliser.
La scène est vide à part ces deux corps. Tout se passe alors dans l’imaginaire de ces deux femmes. Cet imaginaire, qui est dangereux, est traduit par la physicalité. L’imaginaire, au-delà du danger, est peuplé de présences autres, d’autres temporalités. Ainsi, notre corps comme notre langage est un héritage. Le corps est comme parlé, dansé, traversé, habité par des images, des mouvements qui appartiennent aussi à d’autres, visibles et/ou invisibles – qui deviennent ainsi de possibles intercesseurs. De cette manière, ce projet part du concept d’intercesseur proposé par Deleuze : « Ce qui est essentiel, ce sont les intercesseurs. La création, c’est les intercesseurs. Sans eux, il n’y a pas d’œuvres. Cela peut être des gens pour un philosophe, des artistes ou des savants, pour un savant, des philosophes ou des artistes mais aussi des choses, des plantes, des animaux mêmes. »
L’intercesseur qui nourrit le projet de T1(A+B) est Samuel Beckett, à travers l’image de ses êtres fragmentés, qui fonctionnent par morceaux soit physiques, soit mentaux, sans logique de continuité. Chez Beckett, les personnages existent par et à travers leurs mémoires. Mémoire qu’ils interrogent et qui leur échappe. Il leur manque toujours quelque chose et ils échouent en permanence, composant ainsi une dramaturgie du raté. Nous jouons de cette manière avec les résonances qui existent entre les créatures et leitmotivs beckettiens et les univers autobiographiques dans la création d’un système de strates, d’écriture en filigrane. Nous cherchons quelques images ou séquences « mythiques » comme points de départ, pour ensuite les retravailler et construire des ponts entre ces créations venues d’ailleurs et l’univers personnel du performer.
Chorégraphie et mise en scène: Biño Sauitzvy.
Interprétation et création: Luciana Dariano et Fabiola Biasoli.
Bande Sonore: Magali Gaudou.
Images: Christophe Rivoiron et Renaud Ducoing.
Montagem vidéo: Christophe Rivoiron.
Durée: 8'38"
Création 2008
Photo : Sylvain Joseph.
France, 2008.
T1(A+B) participe aux PSO/Plateforme – Petites Scènes Ouvertes – au CDC/Grenoble en 2008 ; en 2009, dans le cadre des IVes Rencontres du cinéma de patrimoine et du Prix Henri Langlois à Vincennes, dans une programmation consacrée aux 40 ans de l’Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis ; en 2009 également, au Festival A Pas de Corps/Théâtre de la Girandole à Montreuil, et au Festival Dance Box au Centre Culturel Bertin Poirée, Paris. En 2010, il participe aux Poétiques de Printemps du département Théâtre de Paris VIII au Théâtre de L’Epée de Bois.
Texte: Biño Sauitzvy (Robinson Sawitzki)
https://www.theses.fr/2016PA080114