For Ana and Others

FOR ANA AND OTHERS

Cette performance est un manifeste, une image qui donne suite à l’expérience et à la recherche initiées dans OH ! Mais au lieu d’utiliser les textes de Leo Bersani et les faits divers à propos de la situation mondiale vis-à-vis de l’homosexualité et de la violence généralisée à son encontre, qui ponctuaient OH !, je reproduis dans For Ana and Others la même scène que celle qu’Ana Mendieta reproduisait elle-même dans sa performance Rape Scene, une scène issue de la réalité, d’une courte durée, que je mets en action dans des toilettes. Le texte qui accompagnait la performance explique les fondements de ma démarche :


« 1973 – Ana Mendieta réalise Rape Scene, performance intime où elle reproduit une scène post viol d’une étudiante sur le campus de l’Université de l’Iowa, aux États-Unis. Dans la même année, elle commence la série de performances Rituals of Rebirth.

1974 – Je suis né au Brésil.

1985 – Ana Mendieta meurt de sa chute d’un immeuble de 34 étages à New York. Son mari est accusé de meurtre puis acquitté, la mort de Mendieta étant considérée comme un suicide.

2015 – Des tests anaux, appelés “tests de la honte”, sont réalisés sur des suspects d’homosexualité en Tunisie. Après les tests, des homosexuels sont condamnés à la prison pour “crime d’homosexualité”.

2014/15 – L’État Islamique jette des hommes accusés d’homosexualité du haut des immeubles. »


For Ana and Others termine la boucle autour de la question de la mythologie personnelle du performer à travers l’utilisation des concepts d’héritage et d’hommage. Elle reprend aussi l’idée de Deleuze qui dit que l’individu n’acquiert sa propre valeur en tant qu’individu même que par un exercice de dépersonnalisation.


Ce principe est étroitement lié à la question de l’altérité, de l’autre. La violence que l’autre subit m’atteint moi-même, dans mon corps, et sans qu’il me faille pour autant l’avoir vécue dans la réalité. Donner corps à cette violence en la transformant, c’est une prise de parole qui cherche à la dénoncer, à la rendre visible, dans le dessein de la voir disparaître.


C’est le travail du performer à travers son corps de chercher à rendre visible l’intolérable et à revendiquer la valeur du travail personnel et de la quête de l’amour, contre l’imposition du corps social et des valeurs autres (mercantilistes, religieuses, économiques, etc.) qui effacent l’individu.


Ainsi, cette performance cherche à rendre visible le trauma personnel et à le transformer par le mouvement, par l’action. De cette manière, la création rejoint les techniques réparatrices telles que la méditation pour dépasser la blessure et atteindre la métamorphose.


Performance de Biño Sauitzvy.

Assisté de Lika Guillemot.

Photo/vidéo: Sayuri Nakamura.


Performance présentée aux 24h de la pArformance – FRASQ #7 – Rencontre de la pArformance, Le Générateur,

Gentilly, octobre 2015.


Texte: Biño Sauitzvy (Robinson Sawitzki)

https://www.theses.fr/2016PA080114