En avril 2014, un groupe de douze artistes pluridisciplinaires qui travaillent ensemble créent l’Espèce d’espace. Ces artistes sont en quête d’espaces de travail et d’exposition, à la recherche d’un lieu pour développer des ateliers de création pluridisciplinaire. Cette quête les mène à investir des espaces éphémères où ils s’installent dans le but de mutualiser leurs connaissances, leurs compétences et leurs idées, de développer une dynamique commune, de concentrer leurs élans créatifs, de se confronter au regard extérieur, d’exercer leurs activités dans la continuité, d’échanger et de créer du lien.
Ainsi, l’Espèce de kiosque devient leur atelier éphémère durant douze jours. Ils s’installent pendant cette période dans les vrais kiosques à journaux de la place du Palais Royal et de la place de la Bastille (Paris). Ils vont créer pour l’événement un univers autour de la presse écrite : journaux, fanzines, dessins, couleurs, mots, rubriques prennent la forme d’objets, de costumes, d’installations, de performances questionnant la disparition du journal papier. L’événement compte avec la création collective d’un journal format papier, Le Corps. Ce dernier devient le déclencheur de la performance My Fashion Week Off.
La performance consiste en un « défilé de mode » dans les rues de Paris. Chaque jour, pendant une semaine, Biño Sauitzvy s’habille à l’atelier de création du styliste Gaspard Yurkievich et porte sa nouvelle collection pour femmes. Chaque jour un nouveau vêtement, mais la même action et le même trajet : sortir de l’atelier du créateur de mode situé dans le Sentier et rejoindre le kiosque du Palais Royal pour y acheter son journal. Un photographe et un vidéaste, comme des voyeurs et/ou des paparazzis, prennent des photos et filment différents passages du trajet/défilé/action. Au-delà de la notion de genre, traduite par le fait qu’un homme porte des habits de femme, la performance veut ainsi questionner l’industrie de la mode et le caractère dictatorial de sa codification des styles de vie.
Cette performance se réalise quelques semaines après l'événement qui rassemble l'industrie de la mode mondiale à Paris, la Fashion Week, à laquelle nous n'avons pas été conviés. Le performer décide alors, de renverser métaphoriquement cette exclusion (et toutes les excusions du capitalisme) en créant sa propre Fashion Week. Elle apporte également une valeur anthropologique, car sur les photos, c'est plutôt le regard et les réactions des gens dans la rue en voyant ce renversement du code vestimentaire des genres qui ressort.
Performance de Biño Sauitzvy, en collaboration avec Gaspard Yurkievich.
Photo: Matthew Allen.
Filme: Julien Bouanich.
Paris, Avril 2014.
Texte: Biño Sauitzvy (Robinson Sawitzki)
https://www.theses.fr/2016PA080114